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Facilitation

Se préparer au Voyage

Le Voyage en Hétérotopie repose sur une approche horizontale, dans un cadre non-formel. Les facilitateurs ont des responsabilités spécifiques mais ils font aussi partie du groupe : ils en vivent les dynamiques et en respectent les lois au même titre que les autres. Ils sont des apprenants aux fonctions particulières, garants du bon déroulement du projet, de sa préparation à son évaluation.

Fonder l'équipe, définir son fonctionnement

Chaque équipe de facilitateurs a ses propres manières de travailler. Il est important que vous preniez le temps de définir votre fonctionnement pendant la phase de préparation, surtout si c’est la première fois que vous travaillez ensemble.

Mettez-vous d'accord sur vos rôles respectifs, sur la procédure à suivre en cas de désaccord ou de conflits, sur la manière dont vous prendrez des décisions, sur votre approche pédagogique et sur votre gestion du cadre. Sitôt vos choix faits, couchez-les sur le papier afin d'en garder la mémoire et de disposer d'un point de référence tout au long du projet.

À vous de décider de la façon dont vous vous organiserez : il y a probablement autant de manière de faire qu'il existe d'équipes ! L'important est que vous disposiez d'une vision claire et partagée de la façon dont vous allez procéder.

Précisez également les rôles et responsabilités des accueillants, des leaders de groupe internationaux ou de toute autre personne impliquée dans la facilitation. (Le Voyage en Hétérotopie que nous avons organisé en Sicile en mars 2018 impliquait par exemple une équipe élargie composée de travailleurs jeunesse responsables de l'accompagnement des jeunes participants de leurs pays respectifs, des coordinateurs de l'organisation d'accueil et du partenaire local principal).

Soyez précis et pragmatiques pour définir votre fonctionnement :

  • Quel sera le rôle des facilitateurs, des animateurs jeunesse et des leaders de groupe ? Se limitera-t-il à accompagner les participants et à entretenir une dynamique de groupe positive ou seront-ils également amenés à animer des activités ? Et si oui, lesquelles ?
  • Par quel moyen entendez-vous communiquer au sein de votre équipe ? Comment vous assurer que chacun de ses membres sera informé au plus vite en cas de prise de décision spontanée / en urgence?
  • Comment se dérouleront les sessions plénières qui suivront les activités ? Seront-elles gérées par l'ensemble de l'équipe ou bien uniquement par le(s) responsable(s) de l'activité qui vient de s'achever ? Sous quelles conditions et dans quelle mesure un autre membre de l'équipe pourra-t-il intervenir ?
  • Les facilitateurs devraient-ils se mêler des histoires interpersonnelles entre participants ? Dans quels cas ? de quelle manière ? et jusqu'à quel point ?
  • Jusqu'où laisserez-vous les participants faire leurs propres expériences (incluant parfois erreurs, tensions et frustrations) sans intervenir ?

Les questions que vous vous poserez et les réponses que vous y apporterez varieront d'un Voyage à l'autre (selon le profil des participants, l’environnement de travail, les règles de sécurité que vous aurez adoptées, les accords conclus avec vos partenaires locaux et votre programme d'activités) mais vous aurez besoin dans tous les cas d'une préparation rigoureuse et d'un haut niveau de communication au sein de votre l'équipe.

Se préparer à l'expérience en tant que personne

Bien que facilitateur/trice du Voyage, vous vivrez vous aussi une expérience intense dont beaucoup d'aspects seront similaires à celle que vivront les participants. Comme eux, vous serez amenés à sortir régulièrement de votre zone de confort et à vous confronter à des situations qui vous permettront de grandir personnellement et professionnellement.

Vous le concevrez et l'animerez sans doute mais vous passerez aussi par un processus de préparation au Voyage. À l'image des participants, vous définirez vos objectifs d'apprentissage, vous analyserez vos forces et vos faiblesses, vos peurs et vos attentes, et vous les partagerez avec les autres membres de votre équipe.

Sur le terrain, vous suivrez les mêmes règles que les participants. Votre équipe devra réussir à fonctionner du mieux possible en prenant en compte les besoins de chacun et ceux du groupe dans son ensemble.

En amont du Voyage, il est essentiel que vous travailliez sur les dynamiques au sein de votre propre groupe car vous serez un point de référence pour les participants une fois le voyage commencé.

Pendant le Voyage, il vous faudra être attentifs à la façon de fonctionner de votre équipe et au bon déroulement du programme sans perdre de vue votre propre processus d'apprentissage. Cela vous demandera des efforts importants mais vous permettra également d'établir une relation de confiance mutuelle et de proximité avec les participants dans la mesure où vous serez confrontés à des questionnements et des situations similaires. Il leur sera plus facile de partager avec vous ce qu'ils vivront et ce qu'ils apprendront sur eux-mêmes s'ils savent que vous vous prêter au même exercice et seront plus réceptifs à votre l'accompagnement.

Créer et maintenir un espace propice aux apprentissages

Tout au long du projet, votre rôle de facilitateur/trice consistera à générer des conditions propices aux apprentissages. Il sera de votre responsabilité de créer puis de maintenir des espaces et des circonstances qui inciteront les participants à explorer et expérimenter de nouvelles idées ou activités et à exprimer leur potentiel.

Les résultats de l’expérience ne dépenderont bien évidemment pas que de vous ; vous ne ferez “que” mettre en place un environnement propice et n'interviendrez ensuite que lorsqu'il sera menacé pour garantir aux participants un espace sûr et l’accès aux ressources nécessaires à leurs apprentissages. À cet égard, il vous faudra veiller à ce que leurs besoins primaires soient bien satisfaits afin qu’ils puissent se concentrer sur le reste et ne pas être distraits par des problèmes annexes sans intérêt pédagogique particulier.

Il s'agira en définitive de s'inscrire dans la démarche du Tao telle que décrite par Chris Corrigan dans The Tao of Holding Space:

Le centre de l’espace est vide. Il s’agit de l’espace lui-même, un espace d’invitation, de possibilités, qui permet à chaque potentiel, à chaque direction, à chaque résultat de s’exprimer. L’espace libre permet d’équilibrer le tout et le rien. Conserver l’espace, c’est l’art d’être à la fois totalement présent et complètement invisible.

Pour une "adaptabilité radicale"

Le concept d'“adaptabilité radicale” a été utilisé pour la première fois lors du Voyage en Hétérotopie 2015 pour qualifier le type de facilitation qui avait été mis en place alors. Nous l’avons conservé depuis comme un point de repère pour l’équipe de facilitation.

L'adaptabilité radicale consiste à prendre en compte les expériences, les attentes et les besoins des personnes tout en gardant à l’esprit les tâches et les responsabilités de l’équipe envers ses partenaires. Il s’agit d’équilibrer les besoins de chaque cellule (les individus dans le groupe, le groupe lui-même, les partenaires, le projet dans son ensemble) pour maintenir l’”organisme” qu’elles composent en condition optimale.

En pratique, cela se traduit par un ensemble de lignes directrices pour l'équipe de facilitation que l'on pourrait résumer ainsi :

  • Fédérer: rapprocher les gens les uns des autres, accueillir et prendre soin de chaque personne, créer une atmosphère de confiance, d’intimité et de sécurité émotionnelle ;
  • Garantir la liberté d’expression de chacun-e ainsi que le respect et la solidarité entre les participants ; les encourager à s’exprimer, à dire ce qu’ils n’auraient peut-être pas dit dans d’autres circonstances ;
  • Mandater: Donner des responsabilités à chacun-e, partager les tâches et faciliter l’implication de chacun-e ; encourager la réciprocité (faire attention à l’équilibre entre ce que chacun-e donne et reçoit des autres) et soutenir les personnes lorsqu’elles prennent des initiatives ;
  • Clarifier: Être attentif à la façon dont l’information se transmet et se partage, faire respecter les règles de vie collectives (en sachant qu'elles pourront être amenées à changer en fonction des besoins qui seront exprimés au fur et à mesure) ;
  • Écouter et répondre aux attentes / questions / frustrations / satisfactions des participants; accepter de s’atteler aux problèmes dès qu’ils se posent ; communiquer avec chacun-e pour comprendre les divergences de points de vue et trouver des solutions en cas de problème ; se préoccuper des tensions et chercher à les apaiser dès qu’elles se présentent ; prendre le temps de se réunir et de dialoguer et être transparent sur ce qu’il se passe ;
  • Écouter et répondre aux partenaires afin de mettre en place ensemble des sessions de formation et des ateliers de haute qualité ;
  • Évaluer ce qui a été fait quotidiennement pour s’améliorer tout au long du Voyage ;
  • Anticiper autant que possible ce qui pourrait se produire ;
  • Penser positif: Être ouvert à l’intelligence collective du groupe, chercher des solutions alternatives si ce qui a été mis en place ne convient pas ; faire de son mieux pour régler les situations tendues avec le moins de heurts possible ; rassembler les personnes et prendre leur points de vue en compte pour trouver de nouvelles solutions ensemble ; prendre du recul et permettre aux participants d’avoir une vision d’ensemble sur ce qui se passe ;
  • Remercier les participants et les partenaires pour leur investissement, célébrer les réussites du groupe.

Mettre en place une facilitation de ce type nécessitera de chaque membre de l'équipe un grand dévouement au projet. On peut quasiment parler d’un investissement 24h/24 - 7j/7 pendant toute la durée du Voyage !

Il s’agit également de faire preuve d’humilité, d’humour et d’être capable de reconnaître ses erreurs et d’entendre les critiques pour maintenir haut le moral des participants et tirer le meilleur de chaque expérience, qu’elle soit positive ou négative.

La gestion du temps : une responsabilité collective

“On n'a pas le temps de se reposer”, d'approfondir… Voilà quelques remarques que nous avons entendu de la part des participants lors de précédents Voyages en Hétérotopie.

La gestion du temps est un élément central du Voyage qui peut fortement affecter la qualité de l'apprentissage, l'ambiance et la dynamique du groupe. Le programme du Voyage (qui inclut des temps formels et informels) doit permettre de satisfaire les différents besoins des participants en matière de répartition du temps: assez de moments dédiés à l'exploration et à l'expérimentation ; du temps pour intégrer et organiser les nouvelles informations ; du temps pour réfléchir, discuter et donner collectivement du sens aux choses ; suffisamment de moments pour soi mais aussi de moments pour partager avec les autres membres du groupe.

Une bonne facilitation sera fondamentale si vous souhaitez “avoir le temps de tout faire” car les participants ont paradoxalement une tendance naturelle à ignorer les contraintes horaires. Et c'est bien normal ! Engagés dans une activité, les voilà absorbés par ce qui est en train de se passer, et ils sont bien loin de savoir alors si l'on est en train d'empiéter ou pas sur l'activité suivante ou sur leur temps libre. C'est à ce moment là que vous devrez intervenir en les informant régulièrement du temps écoulé et du temps qu'il reste. Il est important que vous précisiez systématiquement la durée prévue de l'activité lorsqu'elle commence puis que vous avertissiez les participants au minimum une demie heure, puis dans les 5 à dix minutes avant que le temps ne soit écoulé. En procédant ainsi, vous leur permettrez de garder la notion du temps et d'éviter les frustrations liées à une mauvaise gestion de ce dernier (activité inachevée, pause raccourcie…)

Il vous sera parfois utile de modifier le temps dédié à une activité, mais veillez à ce que ces modifications ne soient pas dues à une mauvaise gestion du temps mais au contraire à la prise en compte d'un besoin. Vous pourrez par exemple choisir d’ajouter du temps à une activité en cours :

  • si vous sentez que cela permettra d’atteindre de meilleurs résultats d’apprentissage ;
  • lorsqu’un conflit se dessine et qu’il s’agit de le prévenir / le gérer ;
  • pour rééquilibrer l’état émotionnel du groupe ;
  • quand des facteurs externes influent sur le déroulement des activités et vous ont mis en retard ;
  • quand le groupe décide collectivement de changer le programme de la journée pour qu'il réponde mieux à leurs aspirations et besoins.

Apprendre à gérer la contrainte “temps” est par ailleurs une expérience enrichissante pour les participants. Un de vos objectifs en tant que facilitateur/trice consistera à faire réaliser au groupe que chacun de ses membres est responsable de la façon dont sont dépensées les minutes passées ensemble et des conséquences que cela a sur l'atteinte des objectifs poursuivis (par les individus et par le groupe).

Partager la responsabilité de la gestion du temps aidera en outre les participants à rester concentrés lors des ateliers, à s’organiser dans la journée, à prioriser et à respecter les besoins de chacun et ceux du groupe.

Soutenez les participants dans la reconnaissance de leurs besoins afin qu'ils puissent mieux gérer leur temps et mieux respecter les horaires. Par exemple, si un.e participant.e est constamment en retard le matin, invitez le/la à ce poser la question de pourquoi. Peut-être il/elle a t-il/elle besoin de plus de temps pour sa routine matinale (lever, douche, petit-déjeuner) pour se sentir d’attaque ; auquel cas une solution pourrait être qu’il/elle ajuste son heure de réveil en conséquence ; ce qui impliquera peut être qu’il/elle devra « sacrifier » une heure de soirée afin de se coucher plus tôt et d'être ainsi capable de prendre le temps dont il/elle a besoin le matin pour être à l’heure. À chacun-e de définir ses stratégies : l'important est qu'il/elle reconnaisse ses responsabilités et assume les conséquences de ses choix.

Quoiqu’il en soit, il est important de parler des problèmes que le groupe rencontre en terme de gestion du temps avant qu’il ne prenne la mauvaise habitude de négliger les horaires définis ensemble et n'échoue ainsi à atteindre les objectifs du Voyage par inertie.

Voici quelque pistes de réflexion pour aborder le sujet :

  • Concernant un problème spécifique que le groupe rencontre : est-ce un problème collectif ou un problème personnel ?
  • Le groupe manque-t-il vraiment de temps ou gaspillons-nous le temps que nous avons ?
  • Quels sont les facteurs (internes et externes) qui nous empêchent de bien gérer notre temps ? Peut-on les éviter ou en réduire les effets ? Et si oui, comment ?
  • Comment utilisons-nous notre temps libre et les moments hors programme ? En profitons-nous pour satisfaire réellement les besoins que nous n'avons pas encore eu le temps d'honorer dans la journée ?
  • Comment pourrait-on mieux gérer notre temps ? Quels outils et méthodes pourrions-nous utiliser ? (critiquer un aspect du Voyage est une bonne chose en soi n'est il est tout aussi utile et important de proposer des solutions au problème identifié ! )
  • Dans le cas où nous décidons collectivement de changer le planning, comment peut-on le faire sans menacer la réalisation des objectifs ?
  • Quels sont mes risques si on choisit de changer le planning ? Est-on prêt à les accepter ?

La gestion du temps est un sujet sensible car la perception du temps varie d’une personne à l’autre, tout comme le temps dont chacun a besoin pour ses besoins personnels ; c’est notre responsabilité collective d’aider chacun à tirer le meilleur parti de son temps : soyons les amis attentifs les uns des autres, qui réveillent les autres le matin et mettent du café de côté pour celui qui en retard au petit-déjeuner, pour qu’il ne perde pas encore plus de temps à en refaire et se prive du début des activités.

Conseils et outils pour améliorer la dynamique de groupe

Étant donné que l’expérience que propose le Voyage en Hétérotopie est très centrée sur le vivre-ensemble (ce qui implique de passer du temps à discuter, entre participants comme avec les partenaires extérieurs), il nous semble nécessaire de mettre en place de la facilitation pour permettre à des participants aux besoins, envies et aspirations variées de s’exprimer et de profiter au maximum des activités.

Les conseils suivants sont particulièrement applicables pour des discussions avec le groupe dans son ensemble mais ce sont des principes qui peuvent être adaptés à n’importe quelle activité.

  • sachez quand le groupe s’ennuie ou commence à fatiguer pour pouvoir réagir et changer de rythme pour garder une bonne ambiance ;
  • améliorez la facilitation d’un Voyage à l’autre grâce au suivi que vous aurez fait : qu’est ce qui a amélioré ou détruit la dynamique de groupe ?
  • prenez en compte les fonctionnements de différents types de personnes pour qu’il se sentent écoutés et respectés.

Permettez à chacun d’être entendu

Pendant une discussion, il arrive que certains gardent le silence du début à la fin. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont rien à dire ! Utiliser des techniques de facilitation variées vous permettrez à un maximum de participants de pouvoir s’exprimer à leur façon au cours du Voyage : à l’oral, à l’écrit, en silence, avec des gestes, par le dessin, la musique ou des jeux, pendant des activités calmes ou endiablées…

Les Gestes (c'est à dire les gestes de Sociocratie) peuvent être particulièrement utiles au facilitateur pour comprendre les raisons derrière le silence d'un participant:

Par exemple, peut-être que d'autres participants ne parlait pas assez fort et qu'ils n'entendaient pas les discussions. Après avoir demande plusieurs fois si les personnes pouvaient parler plus fort, ils ont arrêté de suivre, ne voulant pas interrompre les discussions une énième fois net déranger le groupe. Alors qu'avec un simple geste ils auraient pu exprimer leur problème sans interrompre personne.

De la même maniere, certaines participants silencieux ont peut-être besoin d'un changement de rythme, que quelqu'un reformule ce qui vient d'être dit, ou bien veulent exprimer leur frustration de voir le groupe se répéter plusieurs fois ou s'éloigner du sujet. Les gestes les aideront à exprimer tous ces problèmes sans interrompre personne, ainsi le groupe pourra les résoudre promptement et ils pourront refaire partie de la discussion. Les signes ci-dessus sont un exemple de ce qui a pu être utilisé par le mouvement « Occupy ». Ils en existe d’autres, vous pouvez également créer vos propres gestes pour répondre à des besoins précis. Quoi que vous choisissiez, nous vous recommandons d’afficher un poster avec les différents signes pour rafraîchir la mémoire des participants pendant la discussion. Assurez-vous également que toutes les personnes qui participent à la réunion sont installées de manière à toutes se voir.

Garder le rythme et le cap

Utiliser des « rôles «  pendant les réunions (en particulier pendant les discussions qui précédent une prise de décision) aidera le groupe à rester concentré jusqu’au bout, tout en permettant à certaines personnes de s’impliquer d’une façon qui leur convient mieux (certaines personnes préfèrent avoir une mission précise pendant une discussion, cela leur évite de se laisser distraire.)

Vous pouvez choisir d’utiliser des rôles « classiques » comme Gardien du Temps, Facilitateur, Meneur et Secrétaire, ou bien choisir ou créer d’autres rôles selon les besoins que vous estimerez. Vous pouvez également choisir qu’un rôle sera tenu par plusieurs personnes chacun leur tour, pour qu’ils puissent ensuite échanger leurs impressions et faire un bilan plus complet de la situation.

Dans le cadre du Voyage en Hétérotopie, nous utilisons régulièrement deux rôles pour faciliter nos réunions : Gardien du Temps et le Pousse-Décision.

Le Gardien du Temps s’occupe de maintenir le groupe informé du temps qu’il lui reste pour l’activité à intervalles réguliers. Habituellement, c’est plutôt le facilitateur qui s’occupe de la gestion du temps, mais assigner ce poste à une autre personne lui permet d’être plus disponible pour piloter la dynamique de groupe.

Si le groupe choisit d’utiliser ce rôle lors d’une activité, la réunion doit s’achever dès que le temps imparti est écoulé, à moins que le groupe ne prenne la décision d’ajouter un laps de temps défini (5 minutes, 1/4 d’heure) pour apporter une conclusion à la discussion. L’objectif est d’éviter les réunion sans fin et d’accepter l’issue de la discussion (on a pu aboutir ou non à une décision dans le temps imparti), et et réfléchir aux raisons qui ont mené à l’échec quand il se produit : le groupe faisait-il du hors-sujet ? Le temps dédié à la réunion était-il trop court pour aboutir à une décision ? L’équipe de facilitation a-t-elle impulsé le bon rythme et utilisé les bons outils pour faire avancer le groupe?

Lorsque l’on rend le groupe conscient du facteur « temps » tous les participants reconnaissent que les discussions vont prendre fin à une certaine heure : ils sont donc responsable du déroulement de la discussion et doivent faire de leur mieux pour rester concentrés, s’exprimer le plus clairement possible, tous ces comportements qui permettent de discuter chaque point efficacement.

Le Pousse-Décision participe également à tirer le meilleur d’une discussion. Son rôle est de garder une vision d’ensemble des différents arguments mentionnés pour être capable de faire la synthèse des différentes propositions et lancer un vote. Il force également le groupe à clore chaque sujet (par une prise de décision/ un vote) avant de se lancer dans un nouveau thème. Lorsque la session touche à sa fin, il résume les propositions concernant le dernier sujet à discuter et propose un vote. Si à ce moment les propositions ne satisfont pas la majorité du groupe, le facilitateur peut proposer d’ajouter 15 minutes (maximum) pour finir de discuter ce point précis et prendre une décision.

Quelque soient les rôles que vous déciderez d’utiliser (par exemple : 1 facilitateur, 1 gardien du temps et 1 pousse-décision), les personnes qui choisiront de les prendre devraient travailler ensemble et si possible prendre quelques minutes pour jeter un œil à l’ordre du jour de la réunion en amont.

Une discussion qui n’aboutit pas à une décision claire est frustrante pour le groupe, et c’est encore pire si la discussion a duré des heures, sans que personne ne sache si et quand la décision sera finalement prise ! Être ferme sur les horaires n’est pas pénible ; c’est un cadeau pour le groupe. Cela permet au groupe d’avancer, en sachant qu’ils auront du temps pour se reposer quand la réunion arrivera à son terme, aussi intense soit-elle. Cela leur permet aussi d’apprendre à faire des concessions pour permettre à la discussion d’avancer et au groupe de progresser.

Observer et analyser

Pour pouvoir observer l’effet de vos efforts de facilitation sur la dynamique de groupe, tâchez d’observer ce qui se passe. Constater que le groupe est concentré ou s’ennuie est une chose, et savoir déterminer de quelles manières vous, le facilitateur, et le groupe avez facilité ou empêché l’émergence d’une dynamique efficace en est une autre. N’oubliez pas de prendre en compte les causes externes, fatigue, météo, attentes des participants… Elles peuvent avoir été centrale dans le bon ou mauvais dérouelement de votre activité.
Voici quelques conseils pour vous aider à comprendre par quels leviers vous pouvez améliorer la dynamique du groupe :

  • se fixer des indicateurs factuels à observer : nombre de questions posées par le groupe, de pauses demandées par les participants, de suggestions, de baillements, de bavardages en marge des discussions ;
  • fixer les moments et la durée pendant lesquels vous serez attentif à la dynamique du groupe (une heure par jour, 1/2 heure matin et soir, trois heures tous les trois jours, toute la journée lors du premier jour, du dernier jour et à mi-parcours…). A vous de vous servir du programme pour choisir les jours qui répondront à vos besoins d’observation et de comparaison ;
  • soyez particulièrement attentifs aux changements de rythme dans le type de facilitation (energizer, fin de discussion, passage d’une activité manuelle à une activité intellectuelle) : Comment les participants ont-ils réagi au changement ? A-t-il été bien accueilli par le groupe ou la dynamique a-t-elle été perdue ?
  • essayez de noter les commentaires que vous entendrez pour mieux suivre l’état émotionnel des participants (« je m’ennuie », « oh ! Je pourrai utiliser cet outil pour… », « j’ai besoin d’une pause-clope », « oui oui, on l’a déjà dit ça », « on mange quoi ce midi ? ») ;

Vous pouvez tenir un journal des attitudes, commentaires et niveau d’implications lors des différentes activités pour consigner vos observations et les partager avec votre équipe lors de la prochaine réunion. Si vous voulez savoir comment un participant précis vit le voyage, vous pouvez alors observer l’attitude de cette personne tout en prenant en compte ses attentes initiales et son expérience préalable du vivre-ensemble plus ou moins étendue, et en essayer tirer des conclusions. Par exemple :

Participant A n’a aucune expérience de vie en communauté. Le premier jour, vous notez qu’il ouvre à peine la bouche. Jour 7 en revanche, il pose plusieurs questions et fait une suggestion au groupe. Jour 15, vous notez qu’il s’exprime bien plus souvent, émet des suggestions et clarifie le sujet de discussion pour améliorer les échanges du groupe. On peut supposer que le Voyage en Hétérotopie l’a aidé à être à l’aise pour interagir dans un groupe.

Participante B a l’habitude de vivre en groupe. Le premier jour, elle participe beaucoup et faisait de nombreuses propositions. Jour 7, elle parle un peu moins et pose plutôt des questions. Jour 15, elle fait des suggestions à nouveau et s’efforce de faire la synthèse des discussions pour aider le groupe. On peut imaginer que cette personne avait une idée préconçue du fonctionnement du Voyage grâce à ses propres expériences passées, mais qu’elle a pu constater des différences auxquelles elle ne s’attendait pas (questionnements du Jour 7) et elle s’y est adaptée par la suite. Elle a choisi de faire confiance au groupe et à l’équipe d’organisation et s’est investi de plus belle pour le groupe à la fin. Vous avez réussi à ce qu’elle vous accorde sa confiance… Mais comment ? Les entretiens individuels pourront vous aider à comprendre ce qui s'est passé pour elle.

Les entretiens individuels : un outil pour sortir les participants de leur zone de confort

Prendre un « temps pour toi », mieux comprendre le parcours, les motivations et l’état émotionnel du participant

Aussi haletante et inspirante que soit l’expérience collective proposée par le Voyage en Hétérotopie, elle peut parfois devenir trop intense, trop chaotique bref, écrasante émotionnellement pour des participants. Un entretien individuel peut être une chance pour chaque individu de s’extirper du collectif, se détendre un moment, s’écouter et se sentir pleinement entendu.

L’outil de l’entretien consiste à créer un espace individuel au sein d’un Voyage intrinsèquement collectif, grâce auquel les participants peuvent trouver un espace pour se reconnecter à ex-mêmes, comprendre leur parcours, se souvenir de ce qui les a motivé à participer au Voyage et à comparer ces sentiments personnels avec la réalité qu’ils sont en train de vivre.

C’est un bon moyen pour lui de faire une pause et de se questionner sur là où il en est plus globalement dans son parcours de vie au moment où il choisit de partir en Voyage en Hétérotopie, et quels éléments clefs le Voyage lui propose pour continuer sa route.

L’entretien est un moment particulier où certaines personnes auront besoin d’exprimer leurs émotions, ce qui les satisfait mais aussi leurs peurs, leurs problèmes ou les défis qu’ont réprésenté pour eux certains aspects du Voyage et qu’ils ont relevé. Il peut aussi arriver qu’ils partagent des informations très personnelles sur leur vie et leurs expériences passées. En tant que facilitateur, soyez prêts à accueillir toutes sortes d’informations et à les écouter sans jugement.

Consacrer un moment en individuel à chaque participant pourrait bien être une des clefs qui permet à certains d’entre eux de s’impliquer plus dans le groupe. Ce « temps pour toi » est un espace dans lequel n’importe quel inconfort ou frustration peut être exprimée et doit être entendue et prise en compte par la personne qui mène l’entretien. Assurez-vous que la personne qui mène l’entretien est prête à écouter profondément le participant et l’aider à extérioriser des sentiments qui peuvent être gênants ou désagréables.

Partager leur inconfort avec une autre personne du groupe peut soulager les participants, et un début de solution émergera peut-être lors de cet entretien. Cela peut permettre au participant de retourner se mêler au groupe le cœur plus léger et de se sentir à l’aise dans le collectif.

L’occasion d’améliorer votre travail

En plus de l’impact positif que peuvent avoir les entretiens individuels sur l’état émotionnel des participants, ils vous offriront l’opportunité (en tant qu’équipe de facilitation) de meixu comprendre les profils de vos participants, de comprendre la manière dont ils vivent le Voyage, ce qui les met à l’aise, ce qui les inspire et ce qui représente un défi pour eux.

Les entretiens permettront à certaines personnes de donner leurs impressions sur le déroulement du Voyage ou de donner quelques conseils. C’est un cadeau qu’il vous font : recueillez et analysez-les avec l’aide de toute l’équipe de coordinateurs.

Dans une certaine mesure, mettre en place des entretiens vous permettra d’adapter vos méthodes d’animation et de facilitation pour le Voyage en cours, en vous adaptant aux personnalités et aux préférences des participants, de manière à rendre le Voyage le plus inclusif possible.

De plus, ils vous fourniront de nombreuses informations sur les attentes des personnes qui souhaite participer au Voyage en Hétérotopie, et ce qui les y motive. Cela vous permettra d’améliorer les prochains Voyages que vous organiserez. Grâce aux entretiens, vous identifierez plus précisément les différents « profils » de participants et serez en mesure de concevoir des Voyages de plus en plus inclusifs.

Quelques conseils pour organiser et mener l’entretien

En tant que facilitateur, vous devez réussir à créer un climat de cnfiance avec la personne avec qui vous vous entretenez, pour qu’elle se sente à l’aise pour partager ses émotions et ses pensées. Nous vous recommandons de :

  • vous éloigner physiquement du groupe pour vous assurer que l’entretien est perçu comme un moment privé ;
  • ne pas enregistrer votre discussion, prenez plutôt quelques notes après avoir demandé sa permission à la personne interrogée ;
  • expliquer au participant quels sont les objectifs de l’entretien et de définir ensemble comment vous souhaitez qu’il se déroule.

Le contenu et le cadre donné à l’entretien dépendront grandement de vos compétences, du profil du participant et des objectifs que vous avez en commun. Par exemple, voilà des objectifs et questions possibles :

  • Comprendre le(s) profil(s) : âge, origine géographique, contexte familial, expériences de mobilité, domaine d’études, expériences professionnelles, mode de vie, moments clefs de la vie, expériences en groupe, etc…
  • Comprendre les motivations : 3 éléments qui ont amené le participants à s’intéresser au Voyage en Hétérotopie ;
  • Inviter le participant à partager ses impressions et les émotions soulevées par le Voyage : c’est-à-dire. De quoi se souviendra-t-il ? 3 éléments qu’il apprécie / 3 éléments qu’il aurait changé. Comment vit-il le processus de prise de décision en collectif ? Etc.

Si vous aviez déjà effectué des entretiens individuels pendant la phase de préparation au Voyage (comme nous le recommandons), les entretiens qui auront lieu pendant le Voyage vous permettront de mieux accompagner le participant dans ses défis personnels.

Prendre des décisions ensemble : un sacré défi

Certaines décisions ne sont prises que par vous (l’équipe d’organisation) et vos partnaires ; d’autres impliqueront également le groupe de participants pendant le Voyage. Nous vous recommandons de bien définir ce qui sera décidé, par qui, pourquoi et de quelle manière.

Un souci pédagogique

Laisser le groupe prendre part au décision est un défi à relever, mais le jeu en vaut la chandelle. L’un des enjeux du Voyage en Hétérotopie est de faire comprendre aux participants qu’un groupe a des besoins spécifique, tout comme une personnes, et que ces besoins ne sont pas seulement l’addition des besoins des personnes qui composent le groupe.

La tendance naturelle des participant est de considérer leurs propres besoins en premier lorsqu’ils prennent une décision. Votre rôle en tant que facilitateur est de les aider à adopter un point de vue qui « voit juste un tout petit peu plus loin que leurs besoins ». Qu’est ce qui se passerait si leur préférence personnelle était appliquée à tout le groupe ? Cela serait-il la meilleure solution pour la majorité du groupe ? Est-ce que ça permettrait de répondre aussi aux besoins des partenaires ? Est-ce que cela mettrait quelqu’un mal à l’aise ou en danger ? Si c’est le cas, est-ce qu’en modifiant légèrement la proposition on pourrait l’éviter ? La proposition est-elle réaliste si l’on prend en compte la situation réelle (logistique, temps, contraintes extérieures) ?

Prendre du recul sur sa propre manière de voir la chose n’est ni facile, ni naturel. Tâchez d’expliquer aux participants les enjeux de chaque situation et de les initier à des concepts et une approche qui puisse leur permettre de mieux réaliser ce que cela implique concrètement. Qu’est-ce qu’une objection ? Qu’est ce qui la différencie d’une préférence personnelle ? Qu’est ce que la Participation Habile (Artful Participation, un concept de Sociocratie) ? Comment en appliquer les principes concrètement ?

Donnez de l’espace aux participants pour qu’ils puissent s’essayer, tester des choses, expérimenter le fait de prendre des décisions ensemble sur des sujets léger, et ce dès le début du Voyage, pour qu’à force de faire ils apprennent petit à petit et puisse ensuite faire appel à leur propre expérience (c’est à dire leurs échecs, leurs réussites, leurs erreurs et leurs malentendus).

Créer les conditions propices à la prise de décision

Prendre des décisions qui vont avoir impact sur tout un groupe de personnes est d’une difficulté sans nom (après tout, c’est bel et bien un métier!), alors chaque prise de décision collective vous demandera du soin, du temps et de la méthode.

Dans un premier temps, choisissez un moment adéquat dans le programme du Voyage et un endroit approprié pour tenir la réunion (où le groupe puisse rester concentré, à l’abri des distractions et des interruptions externes) et rassemblez tous les participants. Assurez-vous que l’information concernant la réunion circule et que tous ceux qui souhaitent y participer savent où et quand elle se déroule ;

Ensuite, soyez clair avec le groupe : quel est l’objet de la décision, de quelles options dispose le groupe, qu’est-ce que chacune d’elles implique ;

Enfin, fixez une durée pour aboutir à la décision, expliquez la méthode que vous utiliserez, expliquer ce qu’il se passera si le groupe ne parvient pas à aboutir à un accord dans le temps imparti, et distribuez les rôlescorrespondant à la méthode de facilitation que vous aurez choisi : Facilitateur, Gardien du Temps, Pousse-Décision, etc. Si vous comptez utiliser des gestes (de Sociocratie par exemple), n’oubliez pas de les rappeler aux participants.

C’est seulement quand toutes ces étapes ont été réalisées que vous pouvez débuter le processus de prise de décision avec la méthode de votre choix.

Choisir la bonne méthode

Pour finir, réfléchissez bien à l’outil de prise de décision qui serait le plus approprié pour traiter le thème que vous devez aborder. Par exemple, n’utilisez pas la méthode Sociocratique ou celle du Consensus pour un sujet de moindre importance. Ce sont des procédés très long à mettre en place et le groupe risque de s’ennuyer rapidement si l’enjeu n’est pas très important.

Gardez à l’esprit qu’il n’y a pas de méthode idéale : chaque type de situation pourra être traitée avec des outils différents. Ainsi, nous vous recommandons de préparer à l’avance un ensemble de méthodes et d’outils pour prendre des décisions. Cela vous permettra d’être prêt à faire face rapidement à des problèmes inattendus pendant le Voyage tout en étant capable de mobiliser des outils et d’y initier les participants en tant voulu.

Favorisez l’expression de chaque participant pendant les temps d’évaluation

Les temps d’évaluation nécessitent que le groupe communique de façon profonde et honnête. Aux premières étapes du Voyage, certains participants ne seront pas encore suffisamment à l’aise avec le groupe pour oser s’exprimer sur des sujets personnels (surtout en anglais).

Pour favoriser l’expression, nous vous suggérons :

  • d'accompagner les participants qui rencontrent des difficultés pour s’exprimer en anglais.

Asseyez-vous à côté d’eux dans le cercle pour pouvoir traduire ce qu’ils disent et ce que les autres disent : ainsi ils pourront s’exprimer avec plus de précision, surtout quand il s’agit de sujets qui les touchent émotionnellement où parler anglais correctement n’est pas la priorité. En leur proposant de les traduire, ils pourront se concentrer sur les émotions qui les traversent et sur ce qu’ils aimeraient transmettre au groupe.

  • de varier les méthodes et les outils. Choisissez-en quelques-uns qui facilitent l’expression personnelle et surtout l’expression des sentiments comme ceux que nous vous proposons ci-dessous :

Photo-language with DIXIT Cards

The Tree of Feelings

Mettez en place des outils qui vous aideront à répartir les prises de parole, pour empêcher que les plus bavards n’empiètent sur les autres, et pour inciter les plus timides et les introvertis à parler.

fr/guide/implementation/facilitation.1555448240.txt.gz · Dernière modification: 2019/04/16 22:57 par Camille